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Comptable agréé par le Gouvernement Princier
Le gouvernement prévoit d'introduire dans la législation française, sous la forme d'une expérimentation de trois ans, des algorithmes pour traquer la fraude fiscale sur les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.
Insérée à l'article 57 du projet de loi de finances pour 2020, la mesure stipule que "l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects peuvent [...] collecter et exploiter, au moyen de traitements informatisés et automatisés et n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale, les contenus librement accessibles publiés sur Internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme en ligne".
Selon la définition du Code de la consommation, les plateformes en ligne de mire sont celles qui permettent la "mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, la fourniture d'un service ou l'échange et le partage de contenus". Seraient alors touchés : Facebook, Twitter ou Instagram mais aussi Leboncoin ou encore eBay !
La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) s'est prononcée au sujet de cet article. La critique est sans appel :
Un dispositif de ce type est inédit. Il témoigne d'un changement d'échelle dans l'utilisation de données personnelles par ces administrations. Il traduit également un changement de technique, en permettant le développement d'algorithmes pour améliorer le ciblage des contrôles fiscaux à partir de l'exploitation de ces données.
Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, s'est voulu rassurant mercredi dernier sur LCI : "Il ne s'agit pas de chercher vos données personnelles sur le Leboncoin ou sur Facebook. Il s'agit de M. X ou Mme. Y, qui expliquent au fisc avoir passé plus de six mois aux Etats-Unis, en Espagne ou en Grande-Bretagne [...] Qui expliquent avoir une propriété ailleurs pour pouvoir payer moins d'impôts et échapper au fisc français. C'est le fait de quelques personnes".
Si nous décryptons les dires de Monsieur Darmanin, la mesure viserait prioritairement des résidents fiscaux à l'étranger susceptibles de faire de fausses déclarations au fisc. Nous dépassons cependant la simple enquête via les photos mises à disposition du public sur ces réseaux. Il y aurait, par exemple, la possibilité d'identifier le pays à partir duquel les personnes ont posté sur ces sites et ça, à partir de l'adresse IP. A travers ces éléments, l'administration fiscale pourrait alors vérifier la véracité des déclarations de résidence.
Malgré cette déclaration "rassurante", la portée de cet article dépasse largement le cadre des faux résidents fiscaux. Les infractions invoquées pour justifier le recours à cette surveillance virtuelle comprennent, entres autres, les articles 1728 et 1729 du code général des impôts. Ceux-ci sont relatifs au défaut de déclaration au fisc ou à l'omission d'éléments dans le cadre d'une déclaration. Ces infractions sont courantes et de portée très générale en matière de contrôle fiscal. S'y ajoutent des articles relatifs à la contrebande de tabac ou encore d'alcool, qui intéressent aussi les Douanes.
Pour permettre ces recherches sur Internet, l'article 57 du projet de loi autorise l'administration à recourir à des algorithmes pour traiter les informations en masse, moyen déjà en vigueur dans d'autres domaines. Le "datamining" (exploration de données) représente 25 % des contrôles de Bercy, contre 5 % en 2017. Gérald Darmanin a déclaré début 2019 à Challenges que ceci va encore augmenter avec un objectif à 50% pour 2021 !
Par ailleurs, Maître Alain Bensoussan, avocat spécialisé en droit des nouvelles technologies de l'informatique et de la communication, a déclaré à LCI : "Le côté répétitif et algorithmique pose une question de ciblage [cf. la masse d'informations collectées]. Peut-être faudra-t-il envisager des garanties pour que l'on ne commence pas à chercher les fraudeurs pour trouver les fraudes, ce qui constituerait une inversion de la règle du jeu, une atteinte à la présomption d'innocence et aux libertés publiques".
Malgré tout, ce type de "traque fiscale" n'est qu'une transposition moderne de méthodes déjà éprouvées dans le monde dit réel. En effet, une enquête auprès d'un garagiste ou d'un restaurateur sont identiques à celles qui seront effectuées auprès d'eBay ou Leboncoin. De plus, les photos partagées en mode public sur les réseaux sociaux sont de l'ordre du domaine public alors que des photos d'un compte privé s'apparenterait au domicile d'une personne.
On peut imaginer que le contrôle des plateformes de commerce est justifié dans le cas, par exemple, d'un contribuable qui se livrerait à un commerce non déclaré. Par contre, accéder aux réseaux sociaux et stocker des informations sensibles et personnelles posent problème.
Le texte prévoit effectivement de conserver les données de nature à concourir à la constatation d'infractions pour une durée maximale d'un an. Ceci peut même s'étendre à toute la procédure en cas de poursuites pénales, fiscales ou douanières.
C'est là que nous avons le problème le plus grave car l'administration doit utiliser (et utilise) le droit de communication, une demande d'éclaircissement écrite qui précède le contrôle fiscal. Dans le cadre d'un contentieux, le contribuable est en droit de réclamer ce document, sans quoi la procédure peut être annulée. Mais là, avec ce nouvel article, on voit mal comment le contribuable pourrait être informé de la nature des éléments collectés. Cette situation entraverait les garanties de procédure au détriment du contribuable.
Ainsi, on crée de nouveaux droits pour l'administration sans en créer de nouveaux pour le contribuable.
L'article 57 pourrait être amendé dans le cadre des débats législatifs. En outre, ses modalités d'application seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Celui-ci pourrait d'ailleurs s'assurer que la nouvelle arme du fisc respecte les libertés fondamentales des citoyens.